No Guns Life est un seinen en cours de publication au Japon, que nous avons la chance de publier dans notre catalogue, au sein de la collection « Big Kana ». Lancé fin 2016 en français, il compte aujourd’hui 7 tomes, et un tome 8 à paraître en janvier.
En cette fin d’année 2019, un anime de 12 épisodes a été annoncé par le célèbre studio Madhouse, que la plupart d’entre vous connaissent pour leur travail sur Death Note, Overlord, One Punch Man, Hunter x Hunter, Parasite, et beaucoup, beaucoup d’autres 😉
Le site d’information japonais Nathalie a récemment publié une interview de Kojima, ce dernier étant visiblement un fan de la série. Tous les regards semblent être tournés vers lui, son jeu Death Stranding étant prévu pour le 8 novembre.
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Petit rappel de l’histoire :
Jûzô Inui est un extend : on lui a implanté un revolver à la place de la tête. Depuis la grande guerre, il gagne sa vie dans cette ville grouillante d’autres extends, d’autres individus bénéficiant, comme lui, d’extensions mécaniques. Son business ? Résoudre des affaires dans lesquelles des extends sont impliqués.
Un jour, Jûzô reçoit l’étrange visite d’un homme poursuivi par la police pour kidnapping. Il demande à Jûzô de protéger l’enfant qu’il a enlevé… !! Toutefois la gigantesque multinationale Beruhren va entrer dans le jeu… Jûzo est loin de se douter du guêpier dans lequel il vient de fourrer son nez !
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Interviewer, Author / Fuuta Takei
Cette interview a été traduite à partir de la version anglaise.
Note importante
Dans l’interview originale, le qualificatif « hard-boiled » est régulièrement utilisé. Ce terme n’a pas vraiment de traduction française, mais fait référence à des univers généralement sombres, où évoluent souvent des personnages « badass » ainsi que la pègre. Alcool, cigarette, prostitution, crimes et détectives privés y sont monnaie courante.
Par souci de simplicité, cet article traduit « hard-boiled » par « polar« , ce genre étant le plus proche de celui décrit par le terme anglophone.
Partie 1 – Juzo, le dernier héro de l’ère Showa
── L’auteur de NO GUNS LIFE, Tasuku Karasuma, a dit qu’il aimait beaucoup votre travail, et d’après ce qu’on m’a dit, vous avez aussi lu son manga.
Kojima : C’est exact… Mais franchement, je suis surpris que quelqu’un ai donné le feu vert pour la création de cet animé.
── Quoi ? (rires)
Kojima : La plupart des patrons vous riraient au nez si vous leur présentiez un projet basé sur un polar / science-fiction où la tête du perosnnage est un flingue. (rires)
──Vous avez raison. Si tout ce que vous savez, c’est que le gars à une tête de pistolet, il est facile de présumer que ce sera difficile de montrer au public ses émotions, et donc de créer un lien avec lui.
Kojima : Qui que soit la personne (qui a fait ce choix), elle a considéré tous les aspects de la série. J’espère que je vais pouvoir parler un peu de ce qui rend cette série si spéciale.
──Merci. Donc, qu’est ce qui vous a fait lire No Guns Life ?
Kojima : Aller en librairie fait partie de mon rituel quotidien. Je regarde toujours la section manga également, et quand j’ai vu No Guns Life pour la première fois, je suis tombé amoureux. Je pense que c’était lors de la sortie du tome 2. Quand je l’ai vu, je me suis arrêté net.
──Vous êtes donc tombé amoureux des dessins en premier lieu.
Kojima : C’est bien cela. Le personnage principal sur la couverture est ce qui a attiré mon attention. Je n’arrivais pas à croire que je voyais un personnage avec un revoler à la place de la tête. (rires) A partir de ce style, j’étais à peu près sur que ce n’était pas un dessin un peu bizarre s’adressant à des enfants, alors j’ai décidé de tenter ma chance en l’achetant. J’ai ensuite été stupéfait de cette découverte.
──C’était bien à ce point ?
Kojima : Le côté visuel était juste incroyable. Vu mon âge, je suis fan des gens comme Katsuhiro Otomo (Akira), Masamune Shirow (Appleseed), et Shyufo Itabashi (Gaira), et je pense que le travail de Karasuma est inspiré de leurs œuvres. Il n’y a pas beaucoup de personnes qui savent à la fois bien dessiner et mettre en page. D’ailleurs Masamune Shirow & Shyufo Itabashi viennent du Kansai, je pense que cela les a influencé également.
──Karasuma vit à Tokyo. Plus spécifiquement, quels sont les éléments pouvant provenir d’une influence du Kansai ?
Kojima : C’est cool, c’est du polar, mais le ton global reste léger. Par exemple, il utilise les fameuses gouttes de transpiration géantes (effet souvent utilisé pour simuler le stress ou le malaise d’un personnage), c’est quelque chose qu’on n’a pas l’habitude de voir dans un polar, mais il parvient à les intégrer. Ou, autre exemple, quand une jolie fille touche Juzo (le héros), son visage est dessiné de façon cartoonesque. C’est quelque chose que fait également Masamune Shirow. Je pense que ces éléments fonctionnent assez bien.
──Que pensez-vous de l’histoire ?
Kojima : J’ai adoré. Le polar n’est plus un genre très répandu récemment, je me trompe ? Et parmi eux, ce qui le différencie des autres ce sont ses personnages, y compris le héros, qui ont leurs propres convictions, nous aidant à construire l’image que nous avons de leur monde.
──Le fait que tous les personnages aient des convictions inébranlables me rappelle un peu Snake, de la série Metal Gear.
Kojima : Il en est assez proche, oui. Mais il y a peu de protagonistes de ce style de nos jours. J’ai vu en Juzo le dernier héros de l’ère Showa. Karasuma est probablement la seule personne tenant le flambeau de cette génération d’auteurs. Pour avoir lu beaucoup de ce type de livres, c’est le genre d’œuvre dont je trouve le ton très juste.
──C’est effectivement un genre qui n’existe presque plus en anime, je pense.
Kojima : C’est un peu comme si après Neon Genesis Evangelion, la plupart des héros étaient devenus passifs. Mais pour ma génération, le protagoniste c’est quelqu’un d’un peu différent. Il y avait beaucoup de héros dont les convictions étaient visibles, on comprenait pourquoi ils agissaient et il était plus facile de s’y identifier, de faire le rapprochement avec sa propre expérience dans la vie.
Partie 2 – Ce que No Guns Life reprend des séries des années 70 & 80
──Je pense que le « polar » est un style qui s’applique à vos jeux Snatcher & Policenauts. Est-ce quelque chose que vous avez délibérément voulu ?
Kojima : Ce n’était pas délibéré, non. Je n’avais pas de temps pour faire des recherches, et j’étais mal vu rien qu’en allant à la bibliothèque. C’était l’époque de la Famicom (NES), l’idée même de passer beaucoup de temps à produire un bon scénario n’avait pas de sens. Tout ce que j’ai pu faire, c’était y injecter tout le bagage (cinématographique & bibliographique) que j’avais absorbé. Je suppose que cela montre à quel point le polar m’a marqué.
──Cela explique en quoi le personnage de Juzo vous semble être un héro avec lequel vous êtes familier.
Kojima : Tout à fait. J’ai toujours fait également des histoires liées à des détectives. C’est de là qu’est né Policenauts. J’aurais imaginé que No Guns Life serait une histoire avec des enquêtes individuelles, qui s’enchaînent l’une après l’autre, et que Juzo est chargé de résoudre. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé, ce qui m’a surpris.
──L’histoire principale de No Guns Life tourne autour du combat de Juzo contre l’organisation Berurhen, c’est bien ça ?
Kojima : Quand vous avez un personnage comme Juzo, qui n’est pas très causant, cela peut-être difficile de faire un arc scénaristique long. Il ne dit jamais ce qu’il pense, ou pourquoi il entreprend telle ou telle action. Avec des histoires courtes, il est plus simple de lui faire résoudre des affaires sans qu’il doive partager ce qu’il ressent.
Mais dans No Guns Life, le personnage de Tetsuro est utilisé pour comprendre ce qu’il pense. C’est fantastique de voir ce qu’il a fait avec ce personnage. C’est quelque chose qu’on voyait assez souvent dans les séries TV des années 70 & 80, et cela m’a impressionné de voir ça dans une série moderne. C’est aussi très intéressant de voir que le grand secret de Juzo est progressivement révélé…
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